jeudi 12 janvier 2012

Éric Dupont- Bestiaire Je le classe 10/10!



Chapîtres découpés en timbre poste – car le désir de partir loin, de lâcher prise sur la barre haute des barres asymétriques, image tirée de l’enfance de ces jeux de Montréal de 1976, est inhérent à ce MAGNIFIQUE et dérangeant roman. On est parmi les séparatistes déchus du lendemain du référendum, on parle de Cadbury parti s’installer loin du Québec, on cite Harmonium, Jacques Brel dont Henri VIII chante jusqu’à plus soif (il boit) et dont Éric D ne peut plus entendre maintenant une parole… Il préfère Elvis.

Éric Dupont signe ici une autobiographie, car on le sait au moment où il cite ce qu’il écrirait sur sa pierre tombale, ici-gît Éric Dupont vergeblish – déf : en vain. Il retourne « au grand dérangement » comme il l’appelle, moment de la séparation de son père (la barre haute) et de sa mère (la barre basse) au moment des jeux Olympiques de Montréal et du déménagement. Il a alors 6 ans. Il devra vivre sous le « règne » de son père qu’il nomme ici Henri VIII et de ses nombreuses femmes toutes affublées d’un nom de reine et sous de nombreux « édits » - lire « règles » dont une – ne jamais prononcer le nom ou tout ce qui se réfère à sa mère. Il fera également une croix sur l’amour. Car aucune marque de tendresse ne jalonnera cette enfance où le père intervient seulement pour donner des leçons – pas de violence – juste aucune tendresse, jamais. Par chance qu’il a sa sœur avec qui il se pratiquera à retrouver le rire sonore de la mère, car on ne peut quand même pas l’empêcher de rire… d’autant plus que ça peut faire croire qu’il est heureux dans cette chaumière de Matane.

Une leçon consiste à prendre ses responsabilités par l’intermédiaire de l’élevage de poules achetées par Henri VIII. Éric D verra chacune de ses poules comme ses collègues de classe, tous plus méchants les uns que les autres, mais avec cette hiérarchie retrouvée au sein de tout groupe social. Il les regarde se picosser, voire se tuer, avec les même desseins.
Rivière-du-Loup, ville natale, c’est les nombreux petits tremblements de terre. C’est un de ces petits tremblements qui empêchera la mère – nommée « Catherien D’Aragon », reine triste ayant été laissée pour compte – de se jetter dans le fleuve à bord de sa Renault 5 lorsqu’elle réalisera que Henri VIII est parti avec les enfants. Ces secousses sismiques, Éric D. les ressents dans son corps encore aujourd’hui à intervalles de 1,82 jour ou 200 fois par année, sauf lorsqu’il s’envole vers des ailleurs.

Il y a un peu de Ducharme dans ce roman et aussi du Petit Prince. La langue est maniée finement, justesse et images marquantes. Il fait parler le Grand Duc d’Amérique – qui lui permettra de s’envoler s’il récite un poème de Beaudelaire – passage magnifique. Il fait référence à ces humains en complet gris qui ne mangent pas de desserts et qui écrivent des formulaires pour Revenu Québec. Il s’adresse directement à nous lecteur.

C’est un roman que je classe parmi les meilleurs que j’ai lus. Merci Éric Dupont. 

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