Chapîtres
découpés en timbre poste – car le désir de partir loin, de lâcher prise sur la
barre haute des barres asymétriques, image tirée de l’enfance de ces jeux de
Montréal de 1976, est inhérent à ce MAGNIFIQUE et dérangeant roman. On est
parmi les séparatistes déchus du lendemain du référendum, on parle de Cadbury
parti s’installer loin du Québec, on cite Harmonium, Jacques Brel dont Henri
VIII chante jusqu’à plus soif (il boit) et dont Éric D ne peut plus entendre
maintenant une parole… Il préfère Elvis.
Éric Dupont
signe ici une autobiographie, car on le sait au moment où il cite ce qu’il
écrirait sur sa pierre tombale, ici-gît
Éric Dupont vergeblish – déf : en vain. Il retourne « au grand
dérangement » comme il l’appelle, moment de la séparation de son père (la
barre haute) et de sa mère (la barre basse) au moment des jeux Olympiques de
Montréal et du déménagement. Il a alors 6 ans. Il devra vivre sous le
« règne » de son père qu’il nomme ici Henri VIII et de ses nombreuses
femmes toutes affublées d’un nom de reine et sous de nombreux
« édits » - lire « règles » dont une – ne jamais prononcer
le nom ou tout ce qui se réfère à sa mère. Il fera également une croix sur
l’amour. Car aucune marque de tendresse ne jalonnera cette enfance où le père
intervient seulement pour donner des leçons – pas de violence – juste aucune
tendresse, jamais. Par chance qu’il a sa sœur avec qui il se pratiquera à
retrouver le rire sonore de la mère, car on ne peut quand même pas l’empêcher
de rire… d’autant plus que ça peut faire croire qu’il est heureux dans cette
chaumière de Matane.
Une leçon
consiste à prendre ses responsabilités par l’intermédiaire de l’élevage de
poules achetées par Henri VIII. Éric D verra chacune de ses poules comme ses
collègues de classe, tous plus méchants les uns que les autres, mais avec cette
hiérarchie retrouvée au sein de tout groupe social. Il les regarde se picosser,
voire se tuer, avec les même desseins.
Rivière-du-Loup,
ville natale, c’est les nombreux petits tremblements de terre. C’est un de ces
petits tremblements qui empêchera la mère – nommée « Catherien
D’Aragon », reine triste ayant été laissée pour compte – de se jetter dans
le fleuve à bord de sa Renault 5 lorsqu’elle réalisera que Henri VIII est parti
avec les enfants. Ces secousses sismiques, Éric D. les ressents dans son corps
encore aujourd’hui à intervalles de 1,82 jour ou 200 fois par année, sauf
lorsqu’il s’envole vers des ailleurs.
Il y a un peu
de Ducharme dans ce roman et aussi du Petit Prince. La langue est maniée finement,
justesse et images marquantes. Il fait parler le Grand Duc d’Amérique – qui lui
permettra de s’envoler s’il récite un poème de Beaudelaire – passage
magnifique. Il fait référence à ces humains en complet gris qui ne mangent pas
de desserts et qui écrivent des formulaires pour Revenu Québec. Il s’adresse
directement à nous lecteur.
C’est un
roman que je classe parmi les meilleurs que j’ai lus. Merci Éric Dupont.
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