samedi 14 décembre 2013

"Esprit d'hiver" - Laura Kasischke


Laura Kasischke, Américaine du Michigan, c’est une belle découverte. Une lecture qui tombe dans le bon temps, car tout se passe un 25 décembre avec comme décor, un sapin de Noël, la tempête de neige… mais là s’arrêtent les images bucoliques. C’est écrit comme une nouvelle avec la chute qu’on anticipe! Difficile d’arrêter cette lecture où la provenance du délire est difficile à cerner. L’Esprit d’hiver, c’est des sentiments tantôt chaleureux tantôt glacials qui voyagent de la Russie aux É-U, puis au cœur des deux protagonistes.

Tatiana, c’est l’enfant de 15 ans, adoptée par Holly rendue stérile par une chirurgie la préservant d’une mort génétique assurée. Éric, le conjoint, qui est parti tôt le matin de Noël pour aller chercher ses parents à l’aéroport se verra obligé de faire un arrêt à l’hôpital car la maman ne va pas bien, le papa non plus… Les invités annuleront les réjouissances prévues, car c’est la tempête… On ne met pas le pied dehors.

Holly s’extorque du lit avec un rêve encore en tête d’images qui l’ont poursuivie de la Russie 13 ans plus tôt jusqu’aux É-U. Mais Tatiana va bien… elle dort encore. Écrire ces images… Images, délire… Tatiana qui n’est plus Tatiana… Qui change de robes, de personnalité… Est-ce qu’il y avait eu échange de petite fille entre deux voyages en Russie? Et qui téléphone à intermittence? Écrire dans ce cahier confectionné par Tatiana… Holly avait mis l’écriture en veilleuse… car trop prise par son rôle de mère. Culpabilité… On sait ce que cette femme vit avec une culpabilité, un sentiment de ne pas se sentir la mère qu’elle devrait, qu’elle aurait dû être… Elle pratique le déni… L’élastique qu’on claque pour passer à autre chose… ça marche pourtant!


Émouvante histoire, remuante et troublante histoire… J’ai tout aimé, l’atmosphère, l’écriture et quelle histoire… Je lui donne 4 étoiles et demi… et pourquoi pas 5? À lire dans le temps de Noël, c’est encore mieux!

dimanche 1 décembre 2013

"Danse noire" de Nancy Huston

C’est un scénario de film avec trois protagonistes : Milo le cœur du roman, son grand-père irlandais Neil immigré au Canada, puis sa mère autochtone Awinita. Cette dernière, prostituée, qu’il ne connaîtra que par le rêve d’une sortie où elle lui dira la signification de son nom, Milo : Résistant, elle nous fera connaître le père de Milo, Declan, un alcoolique qui ne saura pas se lever aux aspirations de son père Neil; comme si les gênes ne s’étaient jamais développés. Milo devra résister aux foyers d’accueil jusqu’à ce que son grand-père le ramène dans la famille de Marie-Thérèse, sa tante, et ses cousins rustres. Enfance difficile au sein d’une famille aux idées assez étroites du Québec des années 50.

C’est par la bouche de Paul, l’amoureux de Milo que l’histoire est racontée, bien qu’on comprenne que c’est sous l’imagination de Milo que le déroulement de sa vie, la nature de ses origines, seront mis sur papier alors qu’il se meurt probablement du sida. Paul ne survivra pas au cycle familial. Découpée en mouvements de la danse noire, sous les yeux de Milo, Neil et Awanita, en alternance et à travers le temps, le roman nous transporte dans le temps et l’espace au rythme de la danse.

Le filon, l’écriture. Neil avocat, témoin et acteur de la guerre civile en Irlande déménage au Canada pour pouvoir écrire. Pris dans le tourbillon d’une famille qui n’arrête pas de grossir, tel était ce que l’église catholique encourageait au début du siècle, n’arrivera jamais à coucher les mots qui le tourmentent sur papier. Il met alors ses espoirs sur son fils Declan, mais délinquant ce dernier ne sera que la matrice de l’incarnation de Milo, son fils qu’il n’élèvera pas. Milo saura prendre les mots pour décrire les tourments de l’homme en Irlande, au Canada, à New-York et chez les Autochtones… puis finalement en Amérique latine ou Eugenio, son fils adoptif, bouclera la lignée familiale dans un dernier pas de danse noire rouge sang.

J’ai aimé cette lecture, même si le premier tiers du livre, j’étais complètement perdue entre ces personnages, ces différents lieux, ces différentes périodes. Une fois la mécanique comprise, j’ai embarqué avec toute la curiosité que Nancy Huston a pu susciter en me plongeant dans l’histoire de l’Irlande, puis la mienne avec son regard de canadienne anglaise. Passant de l’anglais au français, on ressent les personnages, car ils sont ainsi plus crédibles. À la dernière page, j’ai repris le premier tiers pour faire la boucle. 4 étoiles. Nancy Huston reste une de mes auteurs que je préfère. Quelle intelligence…