dimanche 27 septembre 2015

« TOUTES CELLES QUE J’ÉTAIS » - ABLA FARHOUD


Quand j’ai lu « 5323 boul. Lévesque à St-Vincent-de-Paul »… et ce, dès les premières pages, j’ai fait : ha???? C’est près de chez moi ça!! Abla Farhoud, je ne la connaissais pas. J’ai lu son livre sous recommandation et, ma foi, je suis sous le charme. Je vais aller chercher ses autres romans, c’est certain.

Venue retrouvée son père au Canada, elle quitte avec sa famille le Liban à l’âge de six ans. C’est au début des années 50. Elle appelle son père « Bayé », papa en arabe. Autobiographie tirée de ses écrits de son enfance, Abla Farhoud raconte la vie de l’immigrante qui fera du Canada, le Québec, son pays. Pour elle, le français, c’est SA langue. Elle s’y met dès son arrivée. Elle en oubliera l’arabe. Dans ce récit, on vit avec elle son enfance, son adolescence jusqu’au départ à 20 ans pour le retour au bercail. On sait qu’elle reviendra, car Mme Farhoud habite ici, mais la tranche de vie s’arrête là. On a le goût de connaître la suite…

C’est sa passion pour le théâtre, la vie difficile de l’immigrante qui se sacrifie, non sans une certaine hargne, à la corvée de tenir le magasin 5-10-15¢ de son père! Elle doit arrêter l’école, elle qui aime tant apprendre. Mais c’était le lot de bien des jeunes de cette époque non? Ça m’a fait penser un peu à l’histoire de ma mère, car c’est un peu la même époque : le sacrifice pour la famille, pour être en mesure de voir aux besoins vitaux. L’adolescence n’existait pas. On passe de l’enfance à l’adulte avec des responsabilités très grandes déjà. Une vie bien différente, non pas seulement en raison des racines qui essaient de s’agripper quelque part mais dont la vie s’arrange pour décoller à tout bout de champ, mais également en raison de l’époque.

C’est de l’histoire, c’est de la culture, c’est la psychologie de celle qui n’était qu’une petite fille joyeuse au bonheur facile, mais qui par la suite doit s’adapter, se battre pour sa passion, et qui tend à sombrer devant les exigences de valeurs qui ne lui appartiennent plus tout à fait… Elle se fait avaler par les exigences des siens.

Le 5323 Lévesque n’existe plus. Je suis allée voir. C’est à l’endroit où il y a eu une banque Nationale lette et qui est maintenant vide que se tenait le magasin. Il a dû être détruit à la suite de l’incendie qui l’a ravagé avant le départ pour le Liban. Mais juste pour cette proximité, je me suis sentie proche de cette auteure que j’ai tout de suite aimée.




samedi 29 août 2015

« TOUT CE QUE J’AIMAIS » - SIRI HUSTVEDT

Pourquoi ce titre « tout ce que j’aimais »… Ça évoque la perte. La vie qui avance qui ouvre des portes, mais qui les referme aussi. Ces espaces clos que sont les souvenirs, talismans, enfouis dans un tiroir. Léo est prisonnier de ses souvenirs. Les portes avec des histoires dans chacune de ces boîtes, c’est aussi les tableaux, les installations que Bill, son ami, créaient. Un jour, Léo a ouvert une porte et s’y est introduit sous l’invitation de Bill, et il a eu cette panique de se sentir enfermé. Mais dans sa vie, Léo s’est enfermé dans ses souvenirs. À l’aube de sa vieillesse, il vient de prendre sa retraite comme professeur, il sort la vieille dactylo, celle qui lui permet de taper plus facilement que sur un clavier d’ordinateur devant sa vue déclinante, il raconte « Tout ce qu’il aimait »…

·         Son fils Matt qui va mourir noyé alors qu’il est dans un camp de vacances. Il était avec Mark, les deux amis si différents. Matt était le fils unique. Il avait déjà un don de créateur, un talent artistique.
·         Sa femme Erica qui ne s’en remettra jamais et qui part sur la côte ouest y travailler, mais surtout pour se retrouver loin de tout ce qui peut lui rappeler son fils. Elle ne refera pas sa vie. Ils continueront à s’écrire, puis à se voir quinze jours par année. C’est ce qui reste de leur amour.
·         Son ami Bill, artiste, qui mourra jeune, trop jeune d’une crise cardiaque. Le cœur n’ayant pas pu résister aux tourments que lui créent son fils Mark, psychopathe, menteur, manipulateur, voleur, fainéant… qui n’a aucune espèce d’empathie.
·         Mark… cet enfant, il aurait voulu le sauver. Il lui donne une chambre dans son appartement pour qu’il vienne y créer. Mais Mark est un échec sur toute la ligne. C’est l’enfant brigand dès son jeune âge. Il a développé la stratégie de mentir pour se faire aimer.
·         Violet, la veuve de Bill, femme qu’il aime mais dont il n’aura pas l’amour, car elle est la femme de l’amour unique qu’elle a porté pour Bill. Elle partira d’ailleurs en France pour se sauver de son beau-fils Mark qu’elle a tant voulu aider, mais sans succès et dont elle a plutôt peur maintenant.
·         La vue. Dégénérescence maculaire. Il garde une vue périphérique, mais a perdu l’acuité. Il ne peut plus distinguer le détail, lui historien de l’art…


Je viens de découvrir une auteur. Femme de Paul Auster, Siri Hustvedt est de la même trempe. Quelle découverte. Un univers rempli. Une atmosphère. On y est. On veut y rester. Vite le prochain à lire… 

jeudi 20 août 2015

"Jimmy" - Jacques Poulin (1969)

Un classique... je n'avais jamais lu celui-ci de Jacques Poulin. Je me sentais un peu dans l'écriture de Réjean Ducharme. J'ai aimé beaucoup. J'ai relu une deuxième fois aussitôt la dernière phrase lue pour m'assurer d'avoir compris les nuances, les ellipses qui prennent sens au fil de la lecture.



dimanche 12 juillet 2015

"Métis Beach" - Claudine Bourbonnais


La rédemption. On veut racheter ses fautes, on veut les justifier pour en atténuer la portée ou juste pour expliquer qu’il y avait une raison. Mais qu’au bout du compte, le but n’était pas de faire de mal. C’est ce que fait Romain Carrier, né à Métis Beach et qui s’exilera aux États-Unis pendant 40 ans, telle une fuite vers New-York, puis vers L.A. sous Roman Carr, pour revenir aussi dans ce même élan vers sa ville native devenue Métis-sur-Mer. C’est au bord de la mer du bas St-Laurent qu’il écrit le récit de sa vie pour expliquer à son fils les raisons.


Tel l’oiseau qui plonge pour s’emparer d’un poisson plutôt que l’autre caché par la vague, Romain explique que s’il n’y avait pas eu cette vague, le déroulement de sa vie aurait peut-être été tout autre.

Métis Beach, je connais, j’y vais courir parfois avec mon amoureux. C’est toujours impressionnant de voir ces maisons de style « Nouvelle-Angleterre » sur le bord du fleuve entre Rimouski et Matane. De grosses maisons dont certaines sont encore placardées l’hiver et ré-ouverte seulement l’été. Tout comme dans les années 50, moment où les riches Anglais venaient y passer l’été avec les enfants.
 
À l’époque, les Canadiens-français étaient plutôt les hommes à tout faire et les domestiques des Anglais. Or Romain Carrier et Gail ont fait l’amour alors que Gail était « promise » à un riche Anglais. Le père a traité le gamin de violeur et c’est la vague déferlante qui a mené sa fuite aux États-Unis.

À travers ce roman, on vit la naissance du féminisme, la guerre du Vietnam et les manifestations anti-guerre, la fausse moralité des Américains, le 11 septembre 2001 et la guerre en Irak. On voit surtout l’évolution des mentalités et leurs contradictions chez nos voisins US. Les mêmes qui s’insurgeait contre la guerre du Vietnam se rallient pour la guerre en Irak; les pro-vies pour la peine de mort…


Claudine Bourbonnais met en image le propos. Je me voyais à New-York, à L.A., à Métis. Elle a une superbe plume et un sens certain du récit. Ça pourrait être un film. Je me suis laissée transporter par la vague et ça me donne le goût de retourner faire un tour à Métis!

samedi 11 juillet 2015

Ce qu'il reste de moi - Monique Proulx


C'est Montréal. C'est Montréal à travers différents personnages qui ont tous un lien familial ou autre. Belles réflexions sur la vision individuelle selon le milieu, la culture, la religion et... le temps. Car tout commence avec la venue de Jeanne-Mance et Pierre Chomedey sieur de Maisonneuve. 




mercredi 20 mai 2015

« BLUES NÈGRE DANS UNE CHAMBRE ROSE » - JENNIFER TREMBLAY

C’est court. Le format est intéressant, c’est des lettres. Des lettres qui, de surcroît iront se faire brûler en même temps que la chambre sera repeinte, dans l’espoir qu’un nouveau chapitre s’écrire. Fanny est auteur et interprète. Elle a rencontré son amant lors d’un concert. Bobo est célèbre. Elle peint sa chambre en rose. Une nouvelle vie débute. Il l’aime à sa façon. Elle, elle est plutôt intoxiquée. Elle l’attend, le cherche, le rejoint. Il est heureux de la voir, mais il ne s’engagera pas. Elle le sait, mais c’est comme de la drogue. Plume intéressante.


vendredi 8 mai 2015

"La ballade d'Ali Baba" - Catherine Mavrikakis

Le père absent. Le père sans compromis, qui n’a rien voulu manquer de sa vie, donc s’il faut que les enfants passent en deuxième, sa femme en troisième… Il répète la recette de son propre père qui avait abandonné femme et enfants à un port de la Grèce en leur signalant qu’il irait les rejoindre à Alger. Petit garçon, il a compris qu’il était maître à bord, d’autant plus que sa mère est morte assez tôt. Les parents sont facultatifs en occultant probablement le manque qu’il ressentait déjà à le voir ainsi courir après le jeu, les femmes, les voyages.

Mais notre protagoniste vivra à fond ce père manquant. Elle le fait revivre en se le rappelant à travers des escapades, des bribes de jeunesse : un voyage à Key West « pour voir la mer », à Vegas « pour qu’il puisse avoir l’air vulnérable auprès de ses comparses joueurs ».

C’est un va-et-vient dans le temps. Elle fait même sortir « le temps de ses gonds » - Shakespeare. Elle fait renaître son père de la mort. Dans cet univers imaginé, la protagoniste répond à la demande son père d’aller propager ses cendres dans la mer. Elle le retourne dans l’océan, ses origines méditerranéennes. L’amour filial étant plus grand que tout, le temps ne l’estompe pas puisque le temps est toujours là, il sort de ses gonds. C’est comme si pour la dernière fois, elle répondait à ses caprices.


C. Mavrikakis a eu ce passé trouble avec son propre père, je l’ai entendu dans une entrevue à la télé. Courts chapitres indépendants. Des bulles qui rappellent un souvenir, un moment pas si lointain ou un espace imaginé. On s’attache à tous les personnages, même le père. On plaint la mère. On aime les personnages. L’écriture est magnifique. 4/5.

vendredi 17 avril 2015

"Pauvres petits chagrins" de Miriam Toews

Vivre comme ménnonite, c’est une curiosité en soi. Difficile de se mettre dans la peau d’individus qui ont décidé que l’ère du temps, ce n’était pas pour eux. Mais puisque c’est une culture imposée à la progéniture, il va s’en dire qu’il y a des risques que cette dernière n’y adhère pas, voire qu’elle tente d’en sortir. Ne pas adhérer aux valeurs familiales, aux valeurs du village qui est le ciment… faut être fait fort, dirait-on. Si en plus, on n’a pas le gène du bonheur… Parce qu’on le sait bien, le bonheur, c’est 50% inné, 10% les circonstances de la vie et le 40% restant… ça dépend du bon vouloir. S’imaginer avec le cœur déjà à moitié vide de bonheur au départ et vivre dans un milieu où les contraintes s’additionnent…  oui le suicide existe, là aussi.

« Pauvres petits chagrins » est un titre dont le sens me rend perplexe. Ce n’est pas « petits » comme chagrins! Miriam Toews écrit ici un peu sa propre histoire. Elle a perdu son père par le suicide, puis ensuite c’est sa sœur en 2010 qui choisit de passer l’autre côté de la même façon. Le roman constitue cette période où elle assiste à cette transition entre la vie et la mort de sa sœur qui la supplie de l’aider. C’est les va-et-vient entre le domicile de Toronto où vivent les deux enfants de Yoli, enfants qui nécessitent encore de la supervision, puis la maison de Winnipeg où vit sa mère, puis le département de psychiatrie de l’hôpital. Comment vivre avec cette peine si grande de voir sa sœur talentueuse, une virtuose du piano, belle, qui a un mari aimant… Comment comprendre serait plutôt la question… Yoli qui a deux enfants de deux pères différents, qui ne vit que maigrement, écrit des romans de rodéo, de bateau… donc qui ne semblent pas très intéressants et… elle le sait, on le sent bien. Yoli est une femme tourmentée et comment!

Elf n’en est pas à sa première tentative de suicide. Maintenant, elle veut se rendre en Suisse, là où le suicide assisté est permis. Elle veut que Yoli l’emmène parce qu’elle ne veut pas mourir seule ou, c’est plutôt Yoli qui  ne veut pas que Elf meurt seule. Quand Elf s’aperçoit qu’il est loin d’être certain que le voyage se fera, elle décide d’en finir. En tant que lecteur, on fait ouf! On n’aurait pas voulu que Yoli ait en plus ce boulet sur la conscience. Il me semble qu’elle souffre suffisamment. Car… par amour, on sent qu’elle aurait peut-être succombé à la requête de sa sœur.

Sa cousine s’est suicidée. La mère de sa cousine, dont la force de caractère est tout autre, mourra aussi pendant l’hospitalisation de Elf, mais du cœur. Encore et toujours le cœur qui est malade.


Comment dire… tant de souffrances. On se dit que bien notre propre souffrance nous apparaisse parfois intolérable… notre voisine, le client qu’on voit aujourd’hui, vit aussi une terrible souffrance! Par chance… j’ai le gène du bonheur, je pars donc avec le verre à moitié plein! 

dimanche 22 mars 2015

« JAVOTTE » - SIMON BOULERICE

Javotte Tremaine peignait les ongles de ses très grands pieds appuyé sur le tableau de bord quand son père a perdu le contrôle du véhicule. Il voulait la faire rire… mais cette fois-ci, il a raté son coup. Javotte est une adolescente de 16 ans, finissante au secondaire V. On la qualifierait d’un peu… « perturbée ». Mais n’est-ce pas le propre de bien des adolescentes? Vouloir à tout prix être différent, se trouver original…

Simon Boulerice a une superbe plume. C’est coloré, c’est d’une imagination joufflue. À ce titre, Bravo à l’auteur. Ma réserve c’est plutôt au niveau du contenu. Une adolescente pas très jolie, méchante, en compétition avec la « trop jolie » Carolane, c’est une révision de Cendrillon avec les méchantes belles-soeurs campées dans une école secondaire d’aujourd’hui. Il y a aussi un peu de « Blanche Neige », car tout comme la méchante reine, Javotte se regarde et tente de se faire raconter qu’elle a bien quelque chose de beau chez elle. Beaucoup de miroirs dans cette histoire. Javotte s’analyse, se scrute, réalise qu’elle est le portrait de sa mère pas plus gentille qu’elle. Époque du selfie. Mais aussi le monde d'une jeunesse (jeunesse qui s'éternise parfois) qui s’évalue à travers l’apparence. Bref, j’ai trouvé que le contenu ne me rejoignait pas vraiment. C’est les hormones de l’adolescente qui est obsédée par le sexe, sa découverte, l’obsession envers « le » gars de l’école. Un contenu qui intéressera peut-être un public… disons plus jeune, voire adolescent? 

lundi 9 mars 2015

"Soumission" de Michel Houellebecq

C’est un roman troublant qui a pris son envolée avec les événements chez Charlie Hebdo. Il a été vu comme une prémonition par certains. Je ne dirais pas ça. Mais ça parle d’une fiction se passant dans un avenir proche, 2017, où en France, on élit sans fracas une présidence musulmane. Dans un pays endormi que plus rien ne surprend, ça va presque comme s’il en allait de soi. La charia est acceptée… la femme reprend sa place au sein de la famille, cellule ultime et base de la vie sociétale. La gauche semble y trouver sa place, sans soulever la poussière ni teinter les casseroles, dans un monde où la strate des pauvres est prise en charge par les plus riches chargés d’offrir l’aumône, valeur prônée par la religion (toute religion non?). C’est comme si finalement on réalisait que la charia répondait à la crise identitaire et aux valeurs dégringolantes. Et l’homme, le patriarche, prend toute la place qui lui revient, lui seul maître après Dieu. Il a bien sûr plusieurs femmes, lui dont la sève assure la multiplication de son éminence; c’est la sélection naturelle apparemment – la nouvelle façon d’expliquer Darwin! C’est la marieuse qui choisit celle qui assurera la progéniture la plus propice, la plus forte, qui saura maintenir la race. La gestation de neuf mois étant trop longue à l’homme qui doit absolument assurer sa précieuse descendance, il n’a d’autres choix que d’avoir plusieurs femmes soumises à lui. Bonnes ménagères, elles le servent et il peut alors accorder tout son temps à son intellect, sa cité… …Ah misère… ça donne le tournis.

Un prof d’université, spécialiste de J.K Huysmans. Je n’avais jamais entendu parler de Hysmans, on me traitera d’inculte,  c’est un écrivain français du 19e si. qui aurait eu une influence forte, ami de Zola. Mais revenons à notre prof qui a une vie des plus mornes, une vie vide, ponctuée par des envolés que seul l’alcool et une baise peuvent lui apporter. Les seules relations qu’il a : des étudiantes, donc de la moitié de son âge, et des intellectuels dont il ne semble chercher la compagnie que par opportunisme, jamais gratuite et sans empathie aucune. Ses parentes meurent et il s’en fout. Il hérite, devient indépendant de fortune et… s’en fout aussi. Chercher l’âme sœur? … Partager sa vie avec quelqu’un qui souffrira de sécheresse vaginale avant l’heure et qui ne le fera plus bander d’ici peu… c’est ce qu’il en dit. Joyeux. C’est comme s’il en était à « sa dernière vie »… plus d’enthousiasme aucun. Le suicide serait une alternative si ce ne serait pas aussi compliqué chez un être dont la seule passion résidait dans sa thèse de doctorat qui, une fois soutenue, a emporté le seul but qu’il n’avait jamais eu. Donc que ce gouvernement musulman prenne place, que l’université lui ferme l’accès car non musulman… il demeure mou, se questionne un peu…mais ne le choque pas; les dédales administratifs sont davantage perçues comme une tare que l’objet de sa perte d’emploi.

Il revisite la religion catholique, tente de trouver des réponses, mais on dirait plutôt qu’il tente seulement de se superposer à la vie de son sujet fétiche, seul pivot de sa vie, Huymans. Ce dernier s’est converti à la fin de sa vie au catholicisme. Comme si la conversion pouvait permettre de donner un second souffle à une vie dégonflée, qui n’a plus de quoi rebondir sur quoi que ce soit. Sa visite au monastère, où il ne lui est pas permis de fumer dans sa chambre, que le train tapageur rythme, ne saura pas lui apporter de réponse, lui, trop près de son nombril. Comment prier les yeux tournés seulement vers soi… C’est seulement à la page 250/300 que la conversion s’amorce chez notre protagoniste (je ne connais pas le nom… l’a-t-on nommé? C’est écrit à la première personne – plus facile pour se complaire au niveau du nombril). La rencontre avec un converti qui est bien placé à l’université, riche, marié à une jeune fille de 15 ans une autre plus vieille qui cuisine, et qui a un poste dans le gouvernement avec qui il est bien sûr ami, fera opérer son charme. Ben oui, tiens, notre protago va se convertir… non mais, pas par conviction religieuse, woooow là… juste pour retourner à l’université question de se donner un but pour se lever le matin et… bien sûr pour avoir des femmes mariées à ses pieds et l’opportunité de retrouver des baises avec ses étudiantes. Un peu dégoûtant n’est-ce pas? Complètement! Un personnage éminemment rebutant et antipathique! Qu’il soulève de l’admiration pour son travail de moine auprès d’un auteur ne fait pas de lui un moine!

Un roman troublant, car on se voit un peu dans notre regard un peu mou face à la montée de l’état islamique, des frères musulmans qui règnent avec ces valeurs si éloignées des nôtres. On regarde ce qui se passe sur la planète avec, on va se le dire, trop d’indifférence. Presque à tous les jours les médias nous balancent une histoire nouvelle. On jette un regard un peu comme sur un mauvais film qui nous ressasse du réchauffé qui goûte mauvais : ça nous répugne et on essaie de ne plus y penser en plongeant dans notre vie qu’on saupoudre de sucre à glacer. Après tout, la vie occidentale est tellement « plus meilleure »! J’espère que justement ce n’est pas une prémonition et qu’on n’aura jamais cette nourriture fade et empoisonnée dans notre assiette! Je suis une bibitte à sucre moi!

Bref, il faut le lire pour nous brasser un ti-peu disons…!


PS J’avais déjà essayé de lire Houellebecq par le passé et je n’avais pas aimé. Trop centré sur sa bite dont il parlait au moins une fois par page… ok j’exagère, 1 fois/2 pages. Celui-ci y est moins axé… fiou! Ça aurait été infect! 

samedi 28 février 2015

"Le vent dans le dos" - Natalie Jean

Un coup de coeur!



Un recueil de nouvelles dont chacune ne se termine pas en l’habituelle chute mais plutôt en une envolée vers le ciel. « Le vent dans le dos », certes! Comme lorsqu’on court ou pédale avec l’impression de voler. Habituée aux nouvelles qui font mal lorsque tombe le point final, anticipation jusqu’au dernier paragraphe, car je ne suis tellement pas habituée de me retrouver le sourire aux lèvres après chacune de ces nouvelles qui insuffle du bonheur… Ça fait… du bien!!

Écrit d’une plume étonnante qui dessine plus que n’écrit, car les images suscitées sont là devant nos yeux tellement le décor où se meuvent ces personnages est bien décrit. Le français québécois est écrit joliment avec « djobe », « timhortonne » et fait sourire. Il y a des perles sur le thème du temps qui passe : « […] J’avais l’âge où l’on croit que la vie n’est qu’un brouillon qu’on pourra recommencer. Les heures, les années étaient longues… » (p. 34). «  […] je ne t’aime plus depuis si longtemps.. […] Mais connaît-on jamais la longueur exacte des secondes des autres? ». Ce qui m’a fait sourire : J’ai maintenant un vocabulaire plus esthétique des partitions qui séparent les bureaux… Des cloisons en tricot synthétique qui délimite les hypersensibles aux frontières (dans « Satisfaction »).


Les différents personnages, dont je situe l’âge d’après moi fin trentaine, début quarantaine pour la plupart, ont cette soif de tranquillité, de silence, de solitude et d’amour seulement si cet amour respecte ce terrain de jeu. On quitte, on se fait quitter, on est en couple, mais le ou les protagonistes y gagnent toujours. On est heureux dans ces nouvelles! Ça change du discours morose omniprésent!!

Ce matin, j’ai lu, j’ai profité de la vie, « j’ai regardé la lumière »… ça ressemble au bonheur de l’auteur si elle transpose ici dans ce recueil sa propre définition du bonheur. C’est le miens aussi, « je n’ai pas le paradis compliqué » comme elle le dit si bien… donc j’ai goûté au bonheur si bien que ça me donne juste le goût d’aller courir …Le vent dans le dos! 

5/5 



jeudi 19 février 2015

Azami - Aki Shimazaki

Difficulté à mémoriser le nom de cet auteur que je viens de découvrir. Aki Shimazaki. Le titre aussi : Azami. Azami, c’est une fleur de chardon. La grand-mère du protagoniste récitait un poème où on retrouvait cette fleur.

Mitsuo travaille au sein d’un magazine, dans la trentaine, papa et marié à une femme avec qui il vit une vie platonique – il dit « sexless ». Il se soulage dans des maisons closes – je ne me souviens plus du terme utilisé par l’auteur – j’ai remis le livre à la biblio. Il va rencontrer un camarade de classe qui l’amènera à rencontrer son amour inavoué de jeunesse : Mitsuko (oui je sais, c’est mélangeant). Mais son nom de serveuse est Azami. S’ensuivra une aventure. Mitsuo sollicite ses sens pendant que sa femme est en campagne à mettre en branle un projet agriculture.

Un roman tout en retenu. C’est écrit comme une nouvelle. Court. Un épisode qui fait ressentir ce qui vit encore au plus profond de soi, réfléchir sur sa vie, puis rebondir. Un carrefour où on décide de négocier un virage, tout en regardant dans le rétroviseur et en ne perdant pas de vue ce qui se passe devant. Mitsuo prend la route doucement, puis… décide de garder le droit chemin. C’est propre, simple, avec économie de mots et d’image, mais efficace et superbement écrit.

Mot de l'auteur: http://www.lapresse.ca/arts/livres/201511/13/01-4920544-aki-shimazaki-la-methode-shimazaki.php



dimanche 8 février 2015

L'attrape-coeurs - J.D. Salinger

Un attrape-cœurs, c’est ce que Holden Caulfield veut faire plus tard, pas chirurgien ou violoncelliste, car il ne pourrait pas. Sa main est demeurée avec des séquelles à la suite d’un défoulement nécessaire en fracassant les vitres du garage. Il veut éviter que les « mômes » jouant dans le champ de seigle tombent en bas de la falaise, soit dans le monde des adultes, la vie sans rêve. Il veut attraper ces petits cœurs. Le siens, il est déjà au fond de la falaise. On n’a pas su l’attraper. Il est tombé quand son frère Allie est mort de la leucémie trois ans plus tôt. Allie, c’était son frère rouquin, plus intelligent, plus drôle, qui écrivait des poèmes sur son gant de baseball pour pouvoir les lire quand il était en attente sur le jeu. Il était à peine plus jeune que lui. C’était son frère, son complice.

Le roman reconstitue les quelques jours précédant l’internement de Caufield âgé de 17 ans, pour une psychanalyse, les trois jours où il a erré dans New-York juste avant Noël après s’être fait mettre dehors de son école, Percey, collège réputé. Ses parents vont le « tuer » quand ils vont savoir, comme dit sa petite sœur Phoebe qu’il adore. Holden a erré dans la ville, en plein hiver, le froid, sa casquette avec oreilles, les signes d’un rhume… s’est arrêté dans des hôtels sordides, dans des bars pas très recommandables… Mais à l’école aussi, il errait. Holden qui porte la cravate, qui est poli en tout temps, qui a de l’écoute, une grande sensibilité pour l’autre, est aussi un presto rempli de colère.

Écrit en 1951, ce roman est écrit de façon très contemporaine. C’est probablement pour cette raison et pour les thèmes peu courants pour cette époque qu’il a tellement choqué. C’est le désarroi de l’adolescent, le futur flou, les valeurs chrétiennes présentes, mais loin d’être ancrées et actualisées, puis des objectifs de fuite plutôt que de projets, une vie qui manque de sens. Le propre de l’adolescence, mais qui existait peu dans les années 50. C’est une période ici marquée par la tristesse de la perte du frère et l’éclatement de famille. Sa mère dépressive, son grand frère qui a délaissé l’écriture plus noble et parti vivre à Hollywood pour écrire des films.
                                    
Un dénouement qui s’ouvre sur une prise en charge. Ça rassure… Mais en même temps, je m’étonne qu’encore une fois, le diagnostic de la leucémie s’infiltre … Je n’avais pas idée avant de commencer ce classique. 

samedi 17 janvier 2015

"Pour que tu ne te perdes pas dans le quartier" - Patrick Modiano


Le titre relève d’un billet que Daragane, le protagoniste écrivain, avait sur lui, petit, lorsqu’il se déplaçait seul dans le quartier. C’est Annie Arstand qui a avait inscrit l’adresse et ce mot sur le billet : Pour que tu ne te perdes pas dans le quartier. Annie était… une amie de sa mère? Les deux femmes se connaissaient par personne interposée, ça certain. Ils partageaient des activités obscures? Annie était danseuse acrobatique… mais quoi encore? Rien n’est dit textuellement. Mais elle a été importante dans la vie de Daragane. On la perçoit comme celle qui a remplacé la mère absente. Mais elle l’abandonnera aussi, mais contre son gré, elle voulait l’emmener avec lui.

Ce roman est une réminiscence d’un auteur sur une période de son enfance dont il n’est pas certain qu’il voulait tant que ça déterrer; le tout se fait à son corps défendant avec ces liens qui surgissent, un peu comme lorsqu’on tombe sur une image, une odeur qui nous rappelle une étincelle d’enfance. Trop d’ombre perdure… Daragane est un personnage obscur; il nous apparaît lugubre, renfermé, seul.

Le minimum est dit, juste les souvenirs dont Daragane semblent privilégier. En fait, il y a un mystère, plusieurs interrogations et… il ne faut pas s’attendre à un punch à la fin. Beaucoup de questions resteront en suspens.

Tout débute par un carnet d’adresses appartenant à Daragane retrouvé par un inconnu. Dans ce vieux carnet, un nom : Torstel. Il serait impliqué dans un fait divers, un meurtre perpétré il y a très longtemps sur une Colette. La curiosité de cet inconnu pour le nom dans ce carnet, car il y voit une histoire qu’il pourrait développer dans un roman. Il contact  alors Daragane pour lui remettre le carnet en échange d’informations.

La mémoire est un personnage dans ce roman. Elle est inexistante au départ, puis elle remonte le courant par bribes. L’inconnu et sa conjointe Chantal sont des personnages secondaires; ils sont prétextes à placer les indices à éveiller la mémoire de Daragane. Une fois passés, Daragane est dans le fil de sa tête à travers le temps et on n’en parle plus. Cet inconnu qui veut chercher des indices est un peu écrivain, juste un peu car il semble être aux prémisses d’écriture puisqu’il prétexte avoir déjà écrit un livre dont l’auteur ne serait qu’un homonyme. Mais il recrée le comportement de Daragane bien des années plus tôt lorsqu’il cogne chez le voisin-médecin de Annie Arstand pour tenter de comprendre ce qui c’est passé le jour où il s’est réveillé seul un matin alors qu’il se préparait à passer la frontière pour l’Italie avec un faux-passeport. Annie qui faisait office de maman a disparu. Il interroge le médecin sous de faux prétextes pour comprendre. Le médecin lui répondra que la meilleure personne pour répondre à ses interrogations serait peut-être ce petit garçon qui y habitait. Un peu comme cet inconnu qui retrouve le petit garçon du photomaton dans le dossier policier pour l’interroger. Car Annie Arstand a fait de la prison, mais on ne saura pas pourquoi. Lorsqu’il la reverra un jour, la mémoire de Annie (devenue Agnès Vincent) lui fait tellement défaut qu’il ne la questionnera pas. On ne sait rien des parents de Daragane, ils sont évoqués sans plus.

                La mémoire enfouie se révèle… secoue les puces de Daragane qui s’enfonçait dans sa solitude, mais on aimerait la suite. À moins qu’il ne veuille garder sa vie à l’ombre comme la citation en exergue : « Je ne puis pas donner la réalité des faits, je n’en puis présenter que l’ombre. » Stendhal


                Mon appréciation : perplexe. J’ai aimé l’écriture. J’aime les questions que le roman soulève sur nos propres souvenirs qu’on enfouit parfois involontairement.