dimanche 1 mai 2016

"Celle que vous croyez" Camille Laurens

Vieillir en tant que femme c’est aussi parfois accepter de faire mourir la réponse au désir charnel qui pose son point d’interrogation sur des mâles qui n’ont d’yeux que pour des qualités dont elle en est dépourvue. Or quand on se nourrit du désir et que la réponse est la honte, l’écriture qui était l’objet de ce désir meurt aussi. Ou bien l’écriture peut faire le choix de s’en nourrir pour faire revivre.

Camille, écrivain, se sert de sa propre histoire, et elle la marie à celle de Camille pour nourrir ce projet d’écriture qui s’avère être le constat de ce que la femme qui avance en âge : « l’homme murit, la femme vieillit ».
Ces femmes sont pensionnaires d’un institut psychiatrique depuis leur chute dans cette catégorie de femmes qui ont passé le cap de la jeunesse, 47 ans, plus de 50 ans… c’est une tare. Belles, intelligentes, cultivées, mais…
Claire/Camille s’est inventé une identité Facebook pour rentrer en contact. On peut tomber amoureux avec les mots, car les mots bâtissent un imaginaire. Elle fera effacer cette fausse Claire parce qu’elle a besoin du contact physique et ce sera sa fin quand Chris apprendra qu’elle a plus de 50 ans. Ce gars d’une quarantaine d’années, photographe, ne sert que le désir de Claire. Une personnalité narcissique qui manipule, vole, qui est égoïste… Il n’a pourtant rien d’un sujet intéressant. Toutefois, on comprend que Camille a besoin de vivre ce désir charnel pour se nourrir. La violence de cette claque qu’elle reçoit la plongera dans cet état catatonique. C’est de ce chalet qu’elle avait loué au bord de la mer pour vivre ce désir qu’on la retrouvera baignant dans son urine, défaite, abandonnée par cet être immonde. Puisque « L’amour c’est vivre dans l’imagination de quelqu’un », elle réalise que l’amour n’est plus disponible pour elle.

Le psychiatre encouragera Camille à prendre en charge un groupe d’écriture pour l’inciter à reprendre la plume. Elle imaginera une autre histoire, plus douce, pour atténuer la douleur et pour revivre le désir mais en imagination. Elle mêle l’histoire de la nièce qui est tombée amoureuse du mari de Claire, qui est maintenant l’avatar de Camille sur Facebook, avec sa propre histoire. Une histoire enchevêtrée d’une autre et de l’imaginaire; c’est riche, c’est bien écrit, ça fait réfléchir et on peut se refuser de croire que ça arrive tout le temps!