Fanny Britt
C’est le patron, avocat de Wall Street, qui écrit l’histoire.
Il ne se nomme pas. Il se décrit comme un homme de loi sans ambition. D’une nature
sobre, âgé d’une soixantaine d’années, avec l’heur de seulement continuer à
faire rouler sa boîte dans une parfaite routine développée au fil des ans avec
ses dévoués employés : La Pince, Dindon et le jeune Gingembre, le narrateur
est attachant avec sa grande sensibilité et son affection pour ses copistes. D’une
grande empathie pour son mystérieux employé nouvellement embauché, Bartleby, il
tente de le comprendre, de percer sa carapace, toujours dans le but de l’aider,
mais parfois avec des sursauts d’exaspération, puis de désespoir. Quand il
découvrira que ce Bartleby s’incruste dans ses murs et son canapé, qu’il n’a
finalement pas de chez soi, et qu’il refuse les ordres donnés par son supérieur
par un «J’aimerais mieux ne pas» comme toute réponse, voire unique réponse
jamais offerte, notre narrateur lui montre la porte. Mais Bartleby «aimerait
mieux ne pas» et il ne quittera pas les murs, même quand l’avocat, excédé et en
même temps contrit préférera quitter ses bureaux, déménager au lieu de demander
aux autorités de le sortir. Ce sera le prochain propriétaire qui le fera… et
avec remord notre avocat ira s’enquérir de lui dans les murs de la prison en
prévenant le «fricotier», un mot que je n’ai pas retrouvé dans le dictionnaire
mais qui serait le cuisinier de la prison, de bien le nourrir. Mais telle une
feuille tombée de l’arbre à l’automne, Bartleby se laissera mourir tout comme
les lettres mortes dont il se chargeait à son emploi précédent.
L’ergonome en moi a aussi été interpellée par le scribe, le
copiste, penché sur sa table de travail de longues heures. Mal au dos, le copiste
qui rehausse sa table en plaçant des buvards sous les pattes jusqu’à ce que sa
table soit à la hauteur de son menton, on parle d’un toit de maison espagnole,
car ces bureaux étaient inclinés. Mal au dos, puis mal aux épaules on cite… je
me suis prise à me dire, hoooo sûrement mal au cou aussi ces chers scribes!
J’ai beaucoup aimé les planches de Stéphane Poulin. C’est
des œuvres d’art. Je les ferais encadrées.
J'avais vu le film il y a quelques mois sur Netflix. J'avais aimé, mais sans plus. Le roman est, ma foi, sans aucune comparaison avec le film. Tellement meilleur, voire vraiment différent. Je ne me souviens plus trop du film, mais il me semble que la fin est même différente. À savoir pourquoi on aurait voulu changer le contenu de l'original qui est d'ailleurs tellement original. J'ai vraiment aimé.
La consolation de l’ange, de mon ange.
Cette vieille dame remplie de sagesse qui a perdu son fils de 20 ans dans un
accident, ces citations de Victor Hugo qui, lui aussi, a perdu sa fille de 19
ans par noyade, ce n’est pas un hasard. C’est le nuage qui est éclairé par la
lumière de la joie. C’est William sur son nuage tout blanc qui me rappelle de
regarder autour de moi pour regarder la réalité avec ma conscience, ma pleine
conscience comme on se le répète incessamment. Puis de me souvenir que l’amour,
celui que je lui porte et qu’il me porte, est tout ce qui compte. Certes, la
présence de William, mes lèvres sur sa joue, ses rires, le son de sa voix
joyeuse me manquent, me manquent terriblement. Mais il est présent tout le
temps. Il est là avec moi et me console.
Un Michel Tremblay, c’est une source sûre. C’est un des derniers
cadeaux que mon fils m’a offerts. Il me reste un dernier roman offert le même
jour, la journée de mon anniversaire le 22 novembre 2016, le dernier passé avec
mon fils. Je ne veux pas lire ce dernier livre tout de suite. Je le retarde. Je
le regarde de temps à autre. La douleur est vive quand je fais juste lire la 4e
de couverture. C’est le départ d’un fils. Je relis souvent cette 4e.
Mais je me garde cette lecture quand mon cœur sera plus solide, s’il peut le
devenir. Deux ans et demi après le départ de William, il n’est pas tant si plus
solide. Mon cœur est d’une matière qui ne durcit pas on dirait. Il faut juste
apprendre à se le laisser piétiner et apprivoiser la douleur qui vient avec.
Mais bon, je reviens à « Conversations avec un enfant curieux »…